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Plus-values des particuliers

Apport-cession : appréciation du caractère significatif du réinvestissement économique

Pour apprécier le caractère significatif du réinvestissement du prix de cession des titres apportés dans une activité économique, permettant de faire échec à l’abus de droit dans le cadre des opérations d’apport relevant du régime du sursis d’imposition, il convient de comparer les investissements réalisés à l’ensemble des sommes ayant bénéficié du mécanisme du sursis d’imposition.

Afin de faciliter certaines opérations de restructuration d’entreprises, en vue de favoriser la création et le développement de celles-ci, il est octroyé automatiquement un sursis d’imposition pour les plus-values résultant de ces opérations qui ne dégagent pas de liquidités. Il en est ainsi des apports de titres à une société soumise à l’IS (CGI art. 150-0 B), sous réserve de l’application d’un report d’imposition obligatoire, pour les opérations réalisées depuis le 14 novembre 2012, lorsque l’apporteur contrôle la société bénéficiaire (CGI art. 150-0 B ter).

Dans cette affaire, un contribuable a fait apport en 2011 de 4 800 actions d’une société de courtage en assurance à une SASU créée par lui en rémunération duquel il a reçu 36 000 actions de la SASU. La plus-value d’apport générée par l’opération a été placée en sursis d’imposition (CGI art. 150-0 B). Puis, quelques jours plus tard, la SASU a revendu les titres remis à l’échange pour un montant identique à leur valeur d’apport (soit 360 000 €).

La société cédante étant contrôlée par l’apporteur, l’administration a estimé que l’abus de droit était caractérisé au motif que l’opération avait conduit, en différant l’imposition de la plus-value, à minorer l’assiette de l’année au titre de laquelle l’impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable (LPF, art. L. 64). Il n’en aurait été autrement que si le produit de la cession avait fait l’objet, pour une part significative et à bref délai, d’un réinvestissement économique par la société cédante.

En l’espèce, le produit de cession a été utilisé, entre 2011 et 2013 :

-pour le financement d’un prêt à la société dont les titres ont été apportés à hauteur de 100 000 € ;

-pour l’achat de parts de fonds communs de placement à hauteur de 70 000 € ;

-pour un virement de 70 000 € sur un compte à terme ;

-pour une prise de participation dans une SCI de 900 € ;

-pour le financement des charges de gestion de la société bénéficiaire de l’apport de 42 000 € ;

-ainsi que par des prélèvements personnels au profit de l’apporteur à hauteur de 98 000 €.

Par ailleurs, le 15 octobre 2013, la société bénéficiaire de l’apport a fait l’objet d’une réduction de son capital par annulation de 17 730 actions pour une somme de 177 300 € qui ont été inscrites sur le compte courant du contribuable qui s’est acquitté de l’impôt de plus-value. Enfin, en mars 2015, la société bénéficiaire de l’apport a souscrit au capital d’une holding pour 80 000 €.

La Cour administrative d’appel a estimé que l’administration fiscale n’apportait pas la preuve de l’abus de droit. Notamment l’investissement dans une activité économique intervenu en mars 2015 au moment de la souscription au capital de la holding correspondait à près de la moitié du produit de la cession initiale après imposition effectuée en 2013.

Pour le Conseil d’État, en statuant ainsi, les juges d’appel ont commis une erreur de droit. En effet, pour apprécier si le réinvestissement dans une activité économique était significatif, il convenait de comparer les investissements réalisés par la société cédante entre 2011 et 2015, à l’ensemble des sommes ayant bénéficié du mécanisme du sursis d’imposition et non au produit de la cession minoré de la somme appréhendée par l’apporteur en octobre 2013 à l’occasion de la réduction de capital.

Pour aller plus loin :

« Titres de sociétés et instruments financiers : quelle fiscalité ? », RF 2021-5, § 7316

CE 27 juin 2022, n° 449656

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